Tout juste votre commentaire, «amour», concernant le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ?

Written by on October 14, 2022

Tout juste votre commentaire, «amour», concernant le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ?

Qu’on ne s’y trompe nullement, la langue francaise a herite la d’un mot multiple, votre mot-tiroir, votre mot-valise, plein de sous-entendus et de nuances, ou chaque epoque a inscrit ses interrogations et ses certitudes. Dans l’Antiquite, il fallait une triade – eros, philia et agape –, pour deployer chacune des couleurs de l’amour.

«L’eros est l’amour concu comme ardent desir d’etre uni a quelqu’un», souligne Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice du Dictionnaire d’ethique et de philosophie morale (PUF).

Notre philia, elle, designe «une relation empreinte de reciprocite et d’estime mutuelle». Ce terme, souvent traduit avec «amitie», a une portee plus large, et consiste en une affection qui se caracterise par la volonte d’entretenir avec autrui des rapports ou se manifeste une certaine excellence morale.

«Enfin, l’agape reste l’amour consacre a autrui, mais jeevansathi autrui considere dans sa qualite fondamentale d’etre un humain et un futur. C’est un sentiment sans attente de reciprocite et d’une certaine maniere independant de votre qu’est l’aime.»

DESIR ET PLAISIR

Comment les Grecs se rapportaient-ils a ces distinctions, quels usages en faisaient-ils ? «Une chose est sure, les Grecs et les Romains separaient plus serieusement que nous ne le faisons le joie du desir, repond Paul Veyne, historien de l’Antiquite. Dans l’Antiquite, le plaisir reste omnisexe – et cela explique la frequence de l’homosexualite – alors que le desir, lui, choisit un sexe.»

L’amitie, de son cote, pouvait y etre ardente. «Les Romains etant capables d’en faire une veritable passion, alors que une telle forme d’amitie est aujourd’hui peu populaire et toujours suspecte d’homosexualite», poursuit l’historien.

L’AMOUR CHRETIEN

Notre terme agape connait une gloire plus tardive. On sait que son usage est connu une litterature paienne, on le trouve dans l’?uvre du philosophe juif hellenise Philon d’Alexandrie (premier siecle avant l’ere chretienne), mais le concept connut une promotion soudaine quand nos auteurs du Nouveau Testament l’adopterent Afin de designer l’amour chretien.

Dans ce contexte, agape – traduit avec amour ou charite – designe Notre vertu des vertus, comme dans l’Hymne a l’amour une premiere lettre de Paul aux Corinthiens (chapitre 13) et la premiere epitre de Jean.

AU MOYEN-AGE, L’AMOUR SOUS TOUTES SES FORMES

C’est au XIIe siecle que va surgir le mot «amor» Afin de designer l’amour. «Les medievaux ont votre vocabulaire plus pauvre que des Grecs, ils ont “amour” et “charite”, point final», resume Jacques Zink, specialiste d’une litterature amoureuse du Moyen Age.

Le mot « charite », qui vient du grec, via le latin, s’est rapidement specialise Afin de designer l’amour divin et l’amour se manifestant dans les ?uvres, d’ou le sens moderne de «bienfait envers les pauvres» (Petit Robert) qu’il a commande par la suite. «Cette dichotomie imposee via le vocabulaire complique la tache des medievaux, poursuit Jacques Zink. Ils doivent sans cesse rappeler que l’amour recouvre bien, ainsi, que la vraie charite, c’est l’amour !»

Dans son vocabulaire, tel dans sa reflexion, le Moyen Age se voit donc dans une tension. «Il reste a la fois le temps de l’invention d’une poesie d’la passion amoureuse, de l’eros, et Notre toute premiere epoque chretienne qui reflechit, plus que pas, sur l’amour sous l’ensemble de ses formes, y compris l’amour de Dieu et du prochain.»

LE ROMAN UNE ROSE

Dans votre contexte, les auteurs du Moyen Age n’hesitent nullement a utiliser le mot amor pour qualifier l’amour humain comme l’amour divin. LeRoman une rose, best-seller du Moyen Age (lire ci-contre), traduit cette double polarite.

Dans sa premiere partie, c’est un chant une passion amoureuse, irrigue par la poesie des troubadours, dont est celui qui tient la plume, Guillaume de Lorris. Dans la seconde, redigee par Jean de Mun, un clerc et 1 savant, il s’oriente vers une reflexion encyclopedique et theologique qui cherche a rassembler tout cela de la connaissance de l’amour. Au «jardin de Deduit», jardin du ravissement, scene du coup de foudre initial, fera pendant la «prairie de l’Agneau», paradis final ou l’Amour mene paitre ses elus…

des QUALITES DE CELUI QUI AIME

Les nuances de l’amor medieval se devoilent dans ses usages. On le voit etre distingue d’«amar», l’amour bestial. «L’amor reste le bon amour, l’amour exigeant, qui n’est pas obligatoirement chaste, mais qui est maitrise et noble», precise Jacques Zink.

Quant a J’ai poesie, dont celle de Chretien de Troyes, elle se plait a des jeux de mots entre le verbe aimer (amer) et ses homophones «amer» («amertume») et «la mer», car le sentiment amoureux est ambivalent, dangereux comme une mer immense et inconnue…

Le Moyen Age elabore au meme temps libre bien un cors de doctrines precisant les qualites que doit developper celui qui apprecie. Il vante la «mesure», la maitrise de soi, ainsi, «le prix» ou le merite. «Il va falloir aimer de facon a ce que i§a augmente la merite, aimer une dame qui possi?de du prix, aimer Afin de avoir soi-meme du prix», explique Jacques Zink.

Cela valorise «joi» (nom masculin), le bonheur, ainsi, « joven », la jeunesse. «Joi, c’est a la fois le plaisir et l’inquietude de l’amour, precise Jacques Zink. Et joven, c’est une fai§on d’energie, c’est l’elan vital d’la jeunesse. Ce n’est nullement seulement une question biologique mais une question morale. C’est, pourrait-on dire, la facon de vivre d’la jeunesse.»


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