Claire Marin : «Nous sommes dans le deni d’la souffrance qu’une rupture provoque»

Written by on October 22, 2022

Claire Marin : «Nous sommes dans le deni d’la souffrance qu’une rupture provoque»

Suites menageres»

C’est Di?s Que la nuit se dissipe doucement, au creux de l’instant doux et cotonneux. C’est 1 bras qui s’etend a toutes les premieres lueurs du jour, une main qui cherche sous les couvertures. Et qui ne voit pas grand chose. Notre philosophe Claire Marin consacre votre essai a toutes les etres rompus. A ceux dont les petits matins arrivent comme un mauvais reve, nimbe d’une lumiere vraiment trop crue, limite acide, qui degouline sur un lit, eclaire votre berceau, un regard, votre ventre, 1 pays. L’ensemble de, vides. Ou alors, peuples d’inconnus. Splendeur matinale de la vacuite. Notre rupture recommence sans cesse, litanie des matins, de ceux qui suivent le commencement de l’amour, des enfants, des matins suivant ma fond, l’exil, la maladie, l’accident, la perte de travail…

Dans une societe qui valorise la longueur determinee, l’adaptabilite, la flexibilite, on va pouvoir plier mais on ne rompt nullement. Ou alors, la rupture reste tue, la vraie, la rupture existentielle. Celle dont parle la philosophe Claire Marin : un «cataclysme interieur», un point de non-retour, qui modifie en profondeur le sujet, le fait vaciller, le reconfigure. Elle pourrait i?tre niee, ou alors maquillee de consentement mutuel Afin de devenir rupture conventionnelle, reduite a n’etre plus qu’une bifurcation dans un parcours, 1 rebond. Elle devient acceptable socialement, banale, statistique. Pire encore, elle nous rendrait plus tri?s ! Et c’est la que le livre Rupture(s) (Editions de l’Observatoire) de Claire Marin fera du beaucoup. D’abord, elle ose penser que i§a fait mal. Vraiment mal. Elle laisse une place a J’ai violence du manque, a cette mecanique implacable, qui dit en creux combien la question se construit dans la relation, dans l’echange, dans l’amour. Et aussi une rupture voulue est rarement indolore. Puis celle-ci previent d’emblee, «je resisterai […] a Notre tentation de l’optimisme», «la rupture n’est quelquefois qu’un gachis, une absence de courage, une pure lachete, votre renoncement». Et tant qu’a faire, explique-t-elle, l’histoire begaie, nos felures intimes, infantiles se reouvrent, nos echecs se repetent, nos ruptures viennent en cascade. Non, «parfois, nous n’apprenons rien d’un echec». Quant a connaitre De quelle fai§on s’en bouger, la i  nouveau, elle ecrit : «Il n’est jamais assure que votre soit toujours possible. On meurt encore d’amour.» Pourquoi nous menager, apres tout ? La philosophe, qui s’est interessee a J’ai rupture a Notre suite de l’ensemble de ses travaux sur la maladie et le deuil, reperant analogues effets devastateurs sur ce thi?me, decortique l’effondrement, le saccage, la devastation du monde des «etres brises» et «defigures» par la rupture, la «destruction en regle de l’ego», terrasse, voue a une existence fantomatique. Elle s’arrete via la sensation : celle d’un arrachement. Notre rupture est ce dechirement en chair, votre c?ur qui se sert, cette gorge qui se noue, une telle etreinte une nausee. Elle analyse votre haut-le-c?ur que service la vue du familier qui se teinte d’etrangete, quand l’etre adore s’evanouit, deserte l’intime, avant de devenir veritablement un inconnu. Faire son deuil de quelqu’un applis de rencontre pour barbe reddit qui pourtant ne meurt gui?re, de quelqu’un qui s’est simplement depris, detourne, ou de l’etre aime qui est la, bien vivant, mais que la maladie d’Alzheimer a comme efface. Ou bien, revenir dans le pays qu’on a fui, ainsi, s’y sentir etranger, etre voue a n’etre chez soi nulle part. Voila, l’alterite s’immisce, parfois sans fracas, puis grossit, s’installe. A la fin, tout reste meconnaissable. Rien n’a change, et pourtant, tout a change. L’existence interrompue reprend, ou feint de reprendre, hantee, truffee des signaux de l’absence. Ce petit balcon, ces rochers, ces chansons existent toujours, presque indemnes, presque intactes, pourtant ma philosophe decrit combien toutes ces trucs autrefois cheries, deviennent lacerations. «Il ne suffira pas de partir d’un lieu pour qu’il cesse de nous habiter. Il ne suffit aucun quitter un homme Afin de oublier sa peau.» Alors pourquoi rompt-on ? Pour fuir une famille oppressante, pour se sauver, pour ne plus etouffer, Afin de se sentir vivant, libre des choix… «On dechire au tissu d’une life commune ou les identites des uns et des autres se sont si etroitement melees que plus personne ne sait vraiment ou il commence et ou l’autre s’arrete. Mais celui qui veut rompre croit le savoir.» Autrement dit, on rompt pour etre vraiment soi-meme, coincider avec ce que l’on reste, ou pense etre. Dans l’hypothese ou 1 «soi» y a, constant, immuable. Pari risque. A l’inverse, on peut rompre Afin de i?tre autre, pour delaisser sa propre propre identite devenue decevante ; on rompt pour se fuir soi-meme.

Est-on aujourd’hui dans une societe en rupture ?

Les ruptures sont maintenant concernant tous les plans : avant, quand on perdait son bricolage, on pouvait se raccrocher a sa famille. C’est tel si bien etait devenu instable, incertain, precaire, sans refuge. Professionnellement, amoureusement, aussi politiquement… Tout s’est accelere, des relations paraissent plus ephemeres, des ruptures plus rapides, voire, parfois, elles n’existent jamais : la personne disparait simplement.

Vous parlez du phenomene «ghosting», «un nouveau nom pour une vieille lachete», ecrivez-vous…

Prendre moyen une separation n’est parfois meme plus une realite. Et l’ensemble de ces termes autour des separations par consentement seront dans la negation d’la realite. Une grande majorite de separations seront au minimum d’une grosse violence psychique, au moins Afin de un des deux membres de l’ancien couple. Puis on sent une sorte de froideur dans la societe. C’est devenu tellement generalise, banal, qu’on est au deni d’la souffrance qu’une rupture provoque. Ainsi, au sein des divorces, la souffrance des bambins est une question vite evacuee desormais, on dit qu’ils s’adaptent… Et on se concentre sur des questions pratiques.


Current track

Title

Artist